JRPLS

Il y eut un grand tonnerre, que personne n’entendit; puis une grande lumière sur la Terre, que personne ne vit. Hors donc le Fils très aimé de notre tout-puissant Seigneur vint sur la Terre pour la deuxième fois, les mains ouvertes et le coeur tendu, ou le contraire je sais plus très bien j’étais bourré ce jour-là. Jésus était là, tout sourire, les paumes tournées devant lui, les bras tendus, hurlant: « Je vous aime, humains mes frères!!! je suis revenu!!! » … pas de réponse. Puis il regarda enfin autour de lui, sortant de son état ahuri habituel. Il soupira tristement, baissa la tête. Il ramena sa maigre peau de chèvre sur ses épaules maigres. Il se mit à marcher droit devant lui, traînant un peu les pieds à cause du mètre de neige qu’il y a à cette époque de l’année au Pôle Sud.

Ses petits petons crissant douloureusement sur la glace d’un immense lac gelé, Jésus le Christ notre seigneur grelottait faiblement, et ses pensées tournaient toutes approximativement autour d’un seul et même concept : putain-qu’est-ce-qu’on-se-gèle-les-miches. Il se maudissait en son for intérieur d’avoir toujours pionçé du sommeil du Juste pendant les cours d’astronomie directionelle, lorsque soudain, au lointain, il vit un petit point vert qui s’avançait inexorablement dans sa direction. Ne pouvant y croire, il plissa les yeux. Rien n’y fit, il eut beau les plisser, le petit point vert était toujours là, et à force de plisser, ses oeils étaient tout collés. Le temps qu’il construise un bûcher, qu’il construise une allumette, qu’il mette le feu au bûcher, que ses yeux se décollent et qu’il réussisse à s’enfuir de la banquise qui était en train de fondre avec ses conneries, le petit point vert était arrivé jusqu’à lui. C’était un beau bus vert Tyrol (bah oui un bus pourquoi pas? les voies du seigneur sont impénétrables…) qui s’arrêta pile devant lui. Les portes s’ouvrirent dans un grincement chatoyant, le chauffage à fond, et sur le siège conducteur, son torse viril serti d’une chemise hawaïenne, Judas, hilare, qui lui dit: « Alors?tu montes oui ou merde? »

Le bus vert Tyrol roulottait doucement sur la neige dure tandis qu’au loin s’éloignait l’image du brasier disparaissant dans l’eau du lac. -« T’es vraiment une tourte, comme gars n’empêche… » commença Judas. Jésus répondit par un grognement. Depuis qu’il était monté dans le bus, il faisait du boudin. -« Nan mais c’est vrai quoi ! » Judas adorait en remettre une couche « T’es même pas capable de te téléporter correctement sur Terre ! Tu l’as déjà fait pourtant non? C’est pas dur merde! T’es pas très aware comme garçon quoi … C’est relou comme image de marque t’imagine??? Jésus revient, et pouf! 5 minutes après Dieu est obligé d’envoyer ce bon vieux traître le chercher parcque son fils chéri est pas capable d’apparaître simplement… Merde alors… » Jésus, renfrogné, commençait à bouillir de rage contenue. Putain j’ai même pas de clopes, se dit-il. Ca va être rude de trouver un tabac dans ce pays pourri…. Judas s’était tu, se concentrant sur la « route », essayant de ne pas s’endormir devant le spectacle des flocons dansant sur le pare-brise. -« Mais, heu… » commença Jésus « On pourrait pas aller plus vite? Il y a pas un bouton spécial ‘Teleportation’ sur ta charette??? Pask’on s’traîne là… » Judas, interdit, se retourna vers lui, et répondit: « Bah, non?! C’est juste un bus vert, quoi… » Jésus, déprimé, ne dit plus rien, à part un vague ‘Putain..’ marmonné peut-être… Il se mit à compter les flocons. Ca occupe.

L’île de Manhattan, atrophiée, se découpait sur le rayon vert du soleil levant. Jésus, accoudé au bastingage du bateau de liaison Le Cap/New York, fumait tranquillement une Benson. Il avait laissé Judas à ses Péchés, les Bloody Mary du bar. Le voyage depuis le Pôle Sud s’était somme toute, bien passé, si l’on excepte le constant babillage débile du traître… Quand il y réfléchissait, Jésus se demandait pour quelle raison exacte Son Daron lui avait envoyé Judas en aide, parce que tout le monde savait très bien Là-Haut combien il pouvait être relou et d’une inefficacité flagrante…. dans les moments de déprime, il se disait que en fait les inexplicables Volontés du Seigneur n’étaient que des vastes Plaisanteries qu’il ferait un peu à tout le monde quand il s’emmerde trop…. Repensant à l’humour de Son Géniteur, Jésus eut un frisson glacé… Prions pour que ce ne soit pas QUE des blagues, se dit-il. Il sentit un souffle de bête avinée dans son dos, quelqu’un respirer lourdement. – « Ca va Ju? » demanda-t-il amèrement – « Mrngnrmh?? aheu…. bhhlaeurgggggggggggggggg….;;; » Le vomi de Judas alla s’écraser (« plof ») plus bas dans l’eau. – « la patate, à ce que je vois… » ironisa Jésus. – « …tu… tu vois ,mon pote » commença Judas en s’accrochant au Christ « c’qui m’fait chier là d’dans c’est qu’j’t’aime bien en fait…. mais c’ki m’fait chier ossi, cé k’t’es un sale con prétentieux en fait…  » – « Hmm. » Jésus n’était pas quelqu’un de très bavard, en fait. Même presque pas poli, des fois. – « …mais bon, alors tu vois c’est relou d’aimer quelqu’un et en même temps de pas l’aimer alors que tu l’aimes même si tu l’aimes pas…putain j’m’y perds…aheu… comment tu fais toi pour aimer tout le monde???? merde ! » finit il en s’apercevant qu’il avait du vomi sur sa chaussure. Jésus se tourna vers lui, et avec les yeux brillants de quelqu’un qui détient soudain la vérité suprême, il dit : – « La beuh mon pote, la beuh… » et finit de rouler son joint.

Baf! Chtonk! Clak! Le visage de Jésus, tuméfié, retomba mollement sur sa poitrine. Il aurait peut-être bien voulu se la prendre à deux mains (la tête hein, pas la poitrine), mais celles-ci étaient liées dans son dos de façon fort douloureuse comme seuls savent le faire les vrais pervers( ou les adeptes SM, mais n’est-ce pas la même chose??). –  » Alors moricaud, tu vas cracher le nom de tes complices?  » Le policier brutal qui lui crachait par intermittences à la figure, quand il ne lui crachait pas des insultes au visage, savait multiplier les pains comme personne. Même Jésus était admiratif devant lui ( bon, c’est pas le même genre de pains, forcément, mais vous allez pas chipoter hein ). Par contre, pour les poissons, c’était peau de balle. Une nouvelle baffe. Un crachat. Un coup de poing. – « Dis-le, enculé, dis-le que c’est toi, enculé, dis-le que c’est toi le coupable pour les Twin Towers, enculé!!!! » Le policier avait énormément de mal à éviter de dire « enculé » dans ses phrases. D’ailleurs, c’était majoritairement pour cette raison, et aussi à cause de sa carrure de troll et de son cou de taureau que ses collègues avaient déserté la salle d’interrogatoire. Jésus releva difficilement le crâne et marmonna du mieux qu’il put: –  » Paix et amour, mon frère… Peace and Love… Je t’aime, mon frère; pourquoi me fais tu tout ce mal??? Nous pourrions être si heureux tous ensemble! » Le policier vit rouge. Il lui enfonça violemment le genou dans la cage thoracique, et beugla: – « Enculé de pédé métèque! C’est pas ça que je veux entendre! Crache le nom de tes putains d’enculés de complices ou j’te refais le portrait! » Jésus sourit doucement, amusé par le sens réthorique ahurissant de son geôlier. Puis il fut saisi d’une vague intense de désespoir, se disant que peut-être il allait remonter au ciel plus tôt que prévu, de toutes façons sa mission était vouée à la perte, ils n’avaient rien appris… La porte s’ouvrit brusquement, et il sentit qu’une personne se précipitait vers lui, lui parlait doucement mais il n’entendait rien, il ne voyait plus grand chose non plus de toutes façons, il entendit le policier hurler après quelqu’un qui lui parlait posément, puis partir; il sentit qu’on le détachait ,qu’on le transportait, puis il s’évanouit proprement. Quand il ouvrit les yeux, il vit ce que voit tout personnage de roman quand il se réveille à l’hôpital, c’est à dire un plafond blanc et lumineux, d’ailleurs c’est casse- couille à la longue, ils pourraient pas faire des plafonds décorés par des enfants de 4 ans merde? Bref. Il n’était pas mort, ça c’était sûr, puisque de tout façon les chambres de réveil du Paradis reproduisaient toutes la Chapelle Sixtine tellement que c’en était casse- couille à la longue, ils auraient pas pu les faire décorer par des suricates merde? Bref. Il tourna faiblement la tête, avisa Judas assoupi sur une chaise à côté. Il émit un « Hmmmrn » guttural, et celui- ci ouvrit les yeux, lui adressant un grand sourire. Il n’était peut-être pas si mauvais dans le sauvage de monde après tout, c’était un garçon capable… – « Alors ma couille? enfin réveillé?! Bah c’est pas trop tôt, on va pouvoir enfin aller se pinter la gueule! » … quoique…se ravisa Jésus.

Jésus bailla. Depuis 2 semaines qu’il était sorti de l’hôpital, il n’avait strictement rien fait, à part manger dans des draps de soie et péter dans les meilleurs restaurants d’Hanovre ( il avait trouvé une carte de crédit GoldGod au fond de sa poche. par hasard, bien sûr…). Ils avaient lui et Judas, quitté les Etats-Unis. Trop dangereux. Trop désespérant. Par excès de précaution, ils s’étaient rasé la barbe. Le monde d’aujourd’hui rend paranoïaque, se disait Jésus, tandis qu’il attendait Judas dans un parc. Il était soi-disant parti chercher du travail; Jésus ne doutait pas foncièrement de sa bonne volonté, mais plutôt du fait que quelqu’un l’engageât avec sa gueule de traître. Quand on traîne un mauvais karma… Judas était persuadé qu’ils réussiraient bien mieux leur mission si ils trouvaient du travail et s’intégraient à la société, et puis il ne tenait pas à être dépendant des largesses financières de DieuLePère. Merde, on a sa fierté, bordel. Il avait tenu à Jésus des discours grandiloquents, le coeur gonflé d’espoir, sur leur mission d’évangélisation humaniste, sur les espoirs qu’il fondait en l’humanité, sur l’imminence chez les hommes d’une résurgence du Divin. Ca n’était pas que Jésus n’y croyait pas, ça n’était pas qu’il ne pensait pas cela possible, mais l’humanité lui semblait quand même super mal barrée. Enfin en tout cas, à Hanovre, les rares actes belliqueux étaient ceux que les chiens laissaient sur les trottoirs… Ca reposait. Bref, le Christ ne savait pas par où commencer, et encore moins par qui, ou quoi. – « Commence par t’évangéliser toi-même, à mon avis » lui répondit en souriant le hardos qui venait de s’asseoir à ses côtés sur le banc. Surpris qu’un humain puisse lire comme ça dans ses pensées, il se retourna afin de mieux le contempler: – « Salut frérot » lui dit Satan.

Jésus fronça les sourcils, un tantinet décontenancé par l’apparition du prince du Mal. – « Qu’est-ce que tu fous là? » Satan soupira, puis sourit gentiment: – « Je suis venu t’aider, tout simplement » – « J’ai pas besoin des conseils du meilleur corrupteur qui soit, merci bien! » lança Jésus assez acerbement. – « allons, allons… » fit Satan, l’air bonhomme, « c’est pas bientôt fini ces mesquineries? on est devenu adultes quand même… tu me crois vraiment comme ça? tu sais » dit il en rejetant pensivement la tête en arrière, « ça n’est pas de gaieté de coeur que je fais ce boulot, mais il faut bien que quelqu’un le fasse… toi j’t’aime bien, alors c’est pour ça que je suis venu t’aider… » Jésus, renfrogné, faisait des grimaces dans son coin pour singer Satan, comme un sale gosse, croisant les bras sous son menton. « … tu vois depuis tout le temps que je fréquente l’humanité, et que je la tente, je la connais bien… la mémère qui promène son chien, le comptable qui court dans la rue en téléphonant, le charcutier qui se pochetronne au Bar-PMU tous les soirs, l’étudiante romantique qui rêve seule le soir en regardant la télé dans sa chambre de bonne… tous, ils sont pareils, malgré les apparences… » Jésus tirait la langue en louchant dans son coin, balançant la tête de gauche à droite, émettant même de temps à autre un léger ‘prrrrt’ ..  » … ton problème, c’est que tu es désespéré de les changer parce que tu es persuadé avec tout ce que tu as vu qu’ils ne croient plus en rien, plus en Dieu, plus en toi surtout, et c’est ça qui te bloque, parce que c’est ton orgueil qui est touché… qui l’eut cru? Jésus boude les humains parce qu’il croit que les humains le boudent… Trop humain, frérot, tu es plus humain que tu ne le crois, et tu regardes l’humanité avec des oeillères… » Jésus marmonnait maintenant ‘gna gna gna gna gna’ en tordant son nez d’une façon affreuse, c’était affligeant, on se demande bien ce que sa mère lui avait appris. « … mais en fait tu te fies trop à TA vision des choses, sans croire qu’elle peut être faussée. Tu penses que les humains sont perdus, qu’ils ne croient plus à rien, qu’il n’y a plus d’espoir pour leur rédemption. Mais tu te trompes: si j’avais gagné, est-ce que j’aurais encore du boulot sur Terre? Alors à ton avis, pourquoi je suis encore là ? Pourquoi tous les humains -loin de là- ne sont pas pervertis par mon influence? » Satan se leva, laissant Jésus perplexe, abasourdi par ses dernières paroles. « Bon, je te laisse, j’ai du boulot moi. A la prochaine peut-être, j’espère que je t’ai aidé un peu, ça me ferait plaisir. » dit-il en souriant, puis il tourna les talons. Jésus le regarda s’éloigner, la bouche ouverte, méditant ces belles paroles. Quand Judas le rejoignit, trois heures plus tard, bien évidemment bredouille, il le trouva dans la même position.

Une petite bourgade perdue, dans les alentours de Minsk…. En ce dur dimanche de novembre, la neige tourbillonne en bourrasques cinglantes au-dehors de la chapelle… Dans la lumière d’un matin encore obscur, seules les feux des piédestaux qui brûlent à l’intérieur de la chapelle éclairent la nuit mourante… Tout le village est là, dans les flancs du petit édifice de pierre, serrés les uns contre les autres, tentant d’oublier le froid, tandis que les marmonnements du pope font s’élever des volutes de vapeur blanche au-dessus de l’autel. Chaque fidèle tente par ses prières, de se rapprocher un peu de ce Dieu qu’il sont oublié depuis bien longtemps. Leur foi n’est plus assez forte pour parvenir à réchauffer leurs coeurs, et tous ressentent cette perte de foi inaliénable comme une mortification. Soudainement, la porte de la chapelle s’ouvre en grinçant, faisant pénétrer des nuages de neige froide à l’intérieur. Les yeux gênés par les flocons piquants, les fidèles se retournent, éberlués, afin d’apercevoir l’inconnu qui s’avance sur les pavés du choeur. Less cheveux au vent, la sandale claquant sur pavé d’une façon déterminé, Il s’avance paisiblement en direction de l’autel. D’un geste autoritaire mais doux, il fait s’écarter l’officiant qui se retire sans même s’en rendre compte. Le sourire large, Jésus s’approche de la chaire, et ouvrant grand son coeur à toute l’assemblée présente, il parle: « Mes frères et soeurs, sachez tout l’Amour que Votre Créateur vous porte…. » … au dehors, plus tard, le soleil a déjà passé au zénith depuis un certain temps, mais personne n’est sorti de la chapelle depuis le matin…. la neige commence à fondre lentement…

Dépêche de l’AFP, lundi 19 novembre 2001:  » Depuis une semaine, dans tous les pays de la Terre, un évènement sans précédent a eu lieu dans plusieurs églises en même temps. Un homme dont la seule description plausible serait de dire qu’il était tel que tout le monde imagine Jésus-Christ est venu simultanément – selon la majorité des témoignages présents – dans ces lieux sacrés afin d’y prêcher une diatribe prônant l’amour et la paix dans le monde. Hallucination collective? Mystifaction théologique? Néanmoins, tous les témoins affirment être ressortis de l’église dans un état de sérénité rarement ressenti auparavant. S’il s’avère que cela soit une mystification quelconque, elle serait dès lors fort bien agencée mais dans un but encore inconnu. L’homme a disparu sans laisser de traces. Le Vatican n’a encore fait aucun commentaire sur ces apparitions. » Le Vatican. Chapelle Privée du Pape. A cette heure, il est seul, absorbé dans ses prières. Il reste silencieux, pensant avec amertume à ses problèmes de santé qui l’empêchent de mener à bien sa mission. Derrière lui, un pas se fait entendre. Songeant avoir affaire à son secrétaire, Karol Wojtyla se retourne et scrutant l’obscurité, appelle: « Amedeo? » Jésus, sortant de l’ombre, sourit et lui dit: « Non, Pierre. » Jean-Paul II fronce des yeux devant cet homme maigre qui l’appelle du nom du premier pape, ne le reconnaissant pas. « Qui êtes-vous? » Posant la paume de sa main sur l’épaule du premier chrétien du monde, le Christ plonge ses yeux dans les siens et lui dit: « Nous avons à parler, Pierre. Ton Père a à te parler, IL est là. » Hébété, sans oser comprendre, le Pape tourne la tête dans un coin de la pièce, fixant la haute silhouette qui le regarde avec amour.

Le froid de Décembre lui glaçait les os, mais ça n’avait pas d’importance, il avait l’habitude d’avoir survécu à pire que ça. D’ailleurs rien n’avait d’importance pour lui à part la mission qu’on lui avait confiée. Il se foutait de savoir qui était vraiment ce type, ce que ses employeurs lui reprochaient, et si il perdrait son âme pour ce qu’il allait lui faire… De toutes façons s’il avait dû perdre son âme c’était déjà fait. Pas de regrets, pas de remords. Juste un compte en Suisse suffisament approvisionné pour sauver une pays d’Afrique de la pauvreté. C’était injuste, mais c’était comme ça. L’argent mène le monde, se disait-il, et ce n’est pas moi qui ai choisi cela, alors autant que j’en profite si je veux rester vivant et heureux. Parfois il se demandait si il était vraiment heureux, mais après tout à quoi servait de se poser la question? L’heure était à la concentration, d’ailleurs le type en question sortait du bâtiment de l’ONU où il avait donné une espèce de conférence, ça le faisait bien rire d’ailleurs, lui qui l’attendait, l’ONU était devenu un pantin aveugle et stupide qui accordait des conférences à n’importe qui sous prétexte qu’on se prétendait fils de Dieu… Soit disant que le Pape avait authentifié sa légitimité au fils de Dieu… et après? même le Pape pouvait se tromper… Il savoura l’ironie qui l’avait fait se poster en haut d’un clocher, puis retenant sa respiration, ajusta lentement la visée de la lunette. Bloquant fermement son fusil sous son aisselle, il porta le viseur à son oeil et suivit la marche du type. Trop facile, se dit-il, il est trop voyant avec sa toge blanche… Ce taré n’a sûrement pas de gilet pare-balles, se dit-il quand il appuya sur la gâchette. La silhouette du type s’écroula. En bas, c’était déjà la cohue, et les flics ne tarderaient pas à courir partout, mais il serait déjà loin lui, d’ailleurs il avait aussitôt remballé son matériel et il était dans l’escalier qui menait aux égouts, il aurait disparu dans 4 minutes. Il était parfaitement sûr d’avoir touché la tête, il se dit ironiquement que si ce Jésus-là s’en sortait, c’est qu’il aurait bénéficié d’un miracle….

Le monde en deuil ne cessait de pleurer. Comme un écho, la neige à Stockholm tombait, bizarrement pas dans ce parc où un hardos discutait sur un banc avec un gros barbu sanglé dans un costume gris trop petit pour lui. Tirant sur un cigare titanesque, le gros barbu regarda le hardos comme un fils et lui demanda: – « Alors que pense tu de tout ça? Ai je bien fait de l’envoyer une nouvelle fois? » Le hardos renvoya un regard complice à son compagnon de banc, puis lui répondit: –  » Tu sais très bien que j’ai beaucoup d’affection pour lui, même si nous savons tous qu’il est encore trop jeune dans sa tête …. » Bougonnant devant l’allusion au QI réduit de Jésus, son père râla: – « M’enfin merde! C’est pas de ma faute non plus si sa mère l’a bercé trop près du mur! jsuis pt’être omniscient mais j’peux pas tout faire! Tu crois que je pouvais être en même temps à surveiller une famine en Asie et une palestinienne avec un berceau?!? J’ai bien ce que j’ai pu pour réparer le maximum de dégats mais bon… Quand le mal est fait…  » Souriant à la blague de Dieu avait fait malgré lui, Satan dit: –  » je sais oui…. Mais personne ne te jette la pierre tu sais… on sait tous à quel point ça n’est pas aisé d’élever seul un enfant attardé… » Ils eurent un moment de silence, puis Satan reprit: –  » Mais tu sais finalement je trouve qu’il s’est très bien débrouillé hein… j’ai dû évidemment un peu le pousser, comme dans le désert il y a 2000 ans, mais tu as vu ce qu’il a réussi!? Toute la planète est en deuil, depuis qu’il s’est fait descendre!!! Tout le monde croit en lui! N’est ce pas le renouveau de la foi que tu espérais?! » Dieu, songeur un instant, lui dit: –  » Si, si, tout à fait, rien à redire, tout est très bien, j’ai ressenti dans ma chair ce renouveau…. Mais, je ne sais pas, je regrette un petit peu qu’il faille toujours utiliser les mêmes vieilles méthodes c’est lassant non? » –  » Boarf, va pas te mettre martel en tête, on s’en fout tant que ça marche! Au fait, qu’est devenu le tireur? » Dieu sourit en répondant: – « Il s’est fait abattre par la police…. et il est monté au Paradis. Après ce qu’il a fait pour nous, je lui devais bien ça…. Et puis c’était dans le contrat. » Ils restèrent là, pensifs, de longues heures encore, sans parler à peine, puis, doucement, Dieu se leva et regardant son premier fils il dit: – « Alors, on continue? » Satan, tout sourire, lui dit: – « On continue. »

« Il faut que le fils de l’homme soit livré entre les mains des pécheurs, et qu’il soit crucifié, et qu’il ressuscite le troisième jour.  » C’était le titre du Times le plus long qui eût jamais été écrit. Judas roula le journal en boule, et le jeta nerveusement à travers le rideau de pluie qui fermait la grotte: « Quelles conneries! » râla-t’il. Jésus, accroupi, les bras enlaçants ses genoux serrés, les cheveux trempés collant à son front dissimulant mal le point rouge qui sanguinolait, lui sourit: – « Tu dis ça parce que tu es énervé. » – « Mais bien sûr que je suis énervé bordel de nom de merde!!! Tu crois que ça m’amuse, de me planquer dans une grotte sale d’un coin paumé de la Corse tout ça parce qu’il pleut dehors!! Alors que Môssieur ressuscite, comme à son habitude, Môssieur fait sa mijaurée et Môssieur fuit le retour triomphal que le monde entier nous aurait accordé!!! » Judas hurlait vraiment très fort, Jésus commençait à se rendre compte que ses vêtements séchaient un peu. Il ne dit rien, renfonça son nez entre ses genoux ,l’air piteux. Judas se calma d’un coup. Il respira un grand coup, comme un gamin qui soupire après avoir fait une bêtise qu’il regrette, puis dit : – « Bon, c’est vrai… C’était uniquement ton triomphe…. J’ai rien à voir là-dedans…. Et bon, je comprends que Jésus ait à fuir les honneurs triviaux du monde des mortels… Ouaip… Enfin… C’est bien beau tout ça, mais qu’est-ce qu’on va faire maintenant??? La même chose que la dernière fois? Se barrer sans rien dire, à peine un ptit coucou, et les laisser se démerder pour les 2000 ans à venir? » Jésus ne dit rien, semblant être absorbé dans la contemplation des gouttes d’eau qui tombaient de ses cheveux. Puis il dit: – « Tu trouves pas que je fais quand même vachement fils à papa??? …. J’ai jamais bien compris en fait pourquoi il me demandait de faire tout ces trucs de sauveur de l’humanité… C’est vrai, je le fais bien, mais… » il soupira doucement « à quoi ça peut bien rimer?? Je me demande si je suis pas un peu considéré comme un propre à rien à qui on donne un emploi-jeune tous les 2000 ans pour lui faire plaisir… » Judas, estomaqué, ne pipa mot. Puis Jésus releva la tête, lui fit un franc sourire, puis lui dit: – « Qu’est-ce que ça peut faire après tout??? Il me plaît bien, à moi, ce boulot!! Allez, viens, la pluie s’est arrêtée, on retourne à la maison!! … » Ils sortirent tous deux dans la brume naissante derrière laquelle le soleil avait du mal à pointer. Grelottant dans la fraîcheur des ses sapes humides, Judas demanda, ironique: – « Un dernier mot pour la postérité??? » – « Va te faire foutre… » grommela Jésus…

4 commentaires sur “JRPLS

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  1. Fini, et c’était plutôt chouetos. Le passage avec le tueur il me semblait l’avoir lu mais la plus grande part soit je l’ai pas lue soit j’ai oublié (l’avantage d’avoir un panier percé à la place du cerveau c’est de pouvoir relire des textes avec un plaisir à chaque fois neuf)

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